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Jacques BELLEZIT

Enfant du siècle, écrivain, rêveur, juriste, passionné.....

Diplomatie Littéraire

Un bref petit texte. Je ne sais si cela a été réellement ainsi et pour tout dire j'en doute fort....Mais cela n'arrête pas ma plume pour autant....

24 Aout 1944
Paris,
228 Rue de Rivoli

- Capitaine ! Capitaine !

Jacques Branet repoussa fermement la main tendue par un de ses subordonnés et tenta de se relever en titubant. L'escouade prit la fuite suffisament rapidement pour éviter d'autres éclats de grenade. Ripostant abondamment, les soldats de la 2ème Division Blindée couvrirent leur chef et l'évacuèrent dans une ruelle adjacente.

- On continue ! On continue bordel !

Ses grognements de douleurs et ses protestations furent recouverts par des bruits de grenades et de tirs. Paris brûlait de rage et de tonnerre à la suite de la Son second, le lieutenant Henri Karcher, inspecta ses blessures avec une grimace alors que le capitaine essayait tant bien que mal de se relever.

- Lefort, Martin, restez avec lui le temps de prévenir les gars de Granell ou Rol-Tanguy. Faites gaffes, les Boches sont toujours là ! Les autres avec moi !


Le reste de la troupe s'avança rapidement et remonta la Rue de Rivoli à couvert. On entendait quelques balles claquer sporadiquement et tous regardaient avec fébrilité les toits en quête de tireurs embusqués. Les barbouzes de l'OSS et du BCRA avaient beau dire que les salauds de la Milice avaient fui comme des lapins, il y avait toujours des trainards. Et les rapports affirmaient que , bien que faible, la présence allemande était toujours vivace...

La population, avertie de l'imminence de la Libération, commençait à s'amasser aux fênetres et a arborer des drapeaux tricolores. C'était timide, une frémissement...mais cela commençait....”Alors à nous de finir”!
 

 

- C'est terminé. Rendez vous. C'est un ordre.
 

Le General Der Infanterie Dietrich Von Choltitz raccrocha le téléphone alors que son état-major était a ses cotés, las et silencieux.
Il avait un regard froid et éteint en regardant le portrait officiel du Fuhrer accroché au mur. L'image du portrait arborait cette espèce d'arrogance aristocratique ou bourgeoise comme le sujet, appuyé sur une canne, était vêtu de son costume beige. Oui, c'était une belle peinture...
L'homme qu'elle représentait par contre....On était loin de ce portrait : Il l'avait vu lors d'une rencontre précédent sa prise de poste, dans une salle de conférence rebâtie de la Wolfschansse, son quartier général. La salle avait été rebâtie à la hate suite à l'attentat de Von Stauffenberg mais il y avait encore des traces de brûlures et d'éclats.

Le Führer avait signé l'ordre le nommant “général commandant le Groß Paris avec effet immédiat” devant lui. Il avait planté ses yeux dardeurs dans ceux de l'officier dans un sursaut d'autorité. Mais le vernis craquelait. Adolf Hitler, Chancelier et Führer du Reich allemand n'était qu'un petit homme vouté et nerveux, les cheveux grisonnants et les mains tremblantes.....Faire de Paris une “place forte assiégée”, un théatre d'opérations alors que le Reich s'effondrait à petit feu depuis la boucherie de Stalingrad et la capture du Generalfeldmarschall Paulus.
Von Choltitz se leva et alla voir sa bibliothèque avec une lassitude de vieillard. Il se saisit d'un livre relié de cuir et s'asseya, attendant la fatalité qui allait venir. C'était inexorable.
Il se rassit et voulut ouvrit le livre. Mais il n' en eut pas le temps....Il entendit quelques bruits de pas en contrebas puis dans l'escalier. Il se leva, tenant le livre à la main et lissa les manches de son uniforme.

Ils ont au moins la décence de toquer....

Von Choltitz regarda sans mots dire la porte s'ouvrir sur une section de Français. Derrière eux, plusieurs officiers de l'Etat major de Von Choltitz étaient d'ores et déja entrainés hors de l'hotel.
L'Allemand planta son regard dans celui de l'officier français qui s'était porté en avant de ses troupes, arme à la main.

- L
ieutenant Karcher de l’armée du général de Gaulle. Déposez vos armes sur le bureau !

Le ton ne souffrait aucune contradiction et le lieutenant Karcher tenait visiblement son arme uniquement par la crosse et non par la crosse et le canon comme lors d'une parade, preuve que le canon devait encore être chaud.....Et Von Choltitz ne voulait pas savoir qui en avait fait la dernière expérience....
L'Allemand défit lentement son étui de pistolet ou se trouvait son Mauser C96 et, d'un regard, invita ses officiers a faire de même, tandis que les Français du lieutenant Karcher les tenaient en respect.
- La Horie, désarmez les.

L'ordre fut bref et un chef d'escadron s'avança.

“Maintenant, mon regard ne s’ouvre qu’à demi ;
Je ne me tourne plus même quand on me nomme ;
Je suis plein de stupeur et d’ennui, comme un homme
Qui se lève avant l’aube et qui n’a pas dormi.

Je ne daigne plus même, en ma sombre paresse,
Répondre à l’envieux dont la bouche me nuit.
Ô seigneur ! ouvrez-moi les portes de la nuit,
Afin que je m’en aille et que je disparaisse ! “

Les vers étaient prononcés avec l'accent rocailleux mais ils allumèrent une étincelle de dans les yeux du chef d'escadron. Un mélange de surprise et de froide colère.

- Et où sont ceux qui ont disparu dans la Nuit et le brouillard?
- Là où se trouve un certain Général Victor Fanneau de La Horie  depuis qu'il a quitté les Feuillantines, Commandant. Au repos des morts injustes qui finissent par  engendrer de belles choses....

La voix de l'Allemand était douce et chaude, malgré sa lassitude. Il tendit son étui qui passa dans les mains d'un soldat français et tendit le livre qu'il tenait à La Horie. "Les Contemplations" de Victor Hugo. Puis il le reposa sur le bureau et effectua un salut de parade. 

Seul le chef d'escadron le lui rendit alors que tous sortaient, fermant la porte derrière eux.



 

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